L’Égypte en marche vers une deuxième révolution

Members of the Black Bloc who oppose Egyptian President Mohamed Mursi run with Molotov cocktails during clashes with riot police, along Qasr Al Nil bridge, which leads to Tahrir Square in CairoNous relayons ici l’article d’un camarade pour « Carré Rouge » sur les évènements qui secouent l’Égypte depuis quelques mois maintenant. Nous en avions déjà parlé dans l’éditorial de La Voie du Pavé de janvier, mais depuis le mouvement a pris de l’ampleur. Et c’est peu dire ! Bien qu’elle n’ait jamais réellement cessée depuis 2 ans, dans tout le pays, la révolution reprend de plus belle, réanimée par une propagation des manifestations et des grèves qui se couplent à de violents affrontements avec la police aux mains des Frères Musulmans du Président Morsi. La stratégie du couvre feu ne marche pas, c’est même le meilleur prétexte que la population ait trouvé pour défier le pouvoir, et les révolutionnaires qui tombent sous les coups de la répression ne font qu’accroître la haine à l’égard du régime. Car rien n’y fera, le peuple veut la tête de Morsi, ce pion des grandes puissances occidentales (Oncle Sam en tête) dont le seul souci est de respecter à la lettre les directives du FMI, c’est à dire appliquer l’austérité et maintenir l’ordre en échange d’un soutien financier plus qu’avantageux (quelques milliards).

ManifestationAlors que l’Égypte entame une deuxième révolution avec pour moteur un peuple plus que jamais conscient de sa force et de la corruption de la prétendue opposition « démocrate » officielle (qui ne trouve rien de mieux à faire que de négocier), les médias français réduisent l’information au maximum. Selon eux, il n’y aurait eu que quelques manifestations, la plupart du temps menées par des hooligans éméchés…

Des dizaines de manifestations, de grèves et d’occupations tous les jours en réalité, avec pour fer de lance les ultras des clubs de foot qui, depuis le début, ont décidé de former à l’auto-défense afin de mieux protéger les manifestants des crimes de la police. La volonté politique de cacher la vérité est donc évidente. Au moment ou Hollande a décidé d’emboîter le pas à Sarkozy et à Bush (à la manière d’Obama), jouant à la guerre au Mali pour le plus grand bonheur des multinationales françaises, à un moment ou une union sacrée contre le monstre islamiste (soi disant passant formé et financé par les pays du golfe à la botte des Etats-Unis et même par la France) se met en place, au moment ou les travailleurs et la jeunesse européenne se voient imposer des reculs sociaux catastrophiques, cette nouvelle révolution populaire pourrait donner des idées à bien des gens. C’est d’ailleurs déjà le cas dans les pays voisins de l’Égypte (Tunisie, Maroc, Algérie ou encore Palestine) ou les exploités prennent exemple, organisant grèves et manifestations. Les ouvriers de PSA-Aulnay, de Renault, d’Arcelor Mittal ou d’autres boites, seraient aussi heureux d’apprendre que les patrons égyptiens sont virés et des usines occupées par les grévistes demandant notamment des augmentations de salaire. Parfois, ils n’attendent pas et reprennent même la production en main…

L’enjeu est grand, et pas seulement pour l’Égypte. Car la chute de Morsi serait un coup dur pour l’impérialisme occidental et une victoire, source d’espoir, pour les exploités du monde entier.

L’Égypte en marche vers une deuxième révolution (mardi 29 janvier 2013, par Jacques Chastaing)

Deux ans après le surgissement de la révolution en janvier 2011, les événements de fin novembre et début décembre 2012 puis de la fin janvier 2013 ont montré un pouvoir de Morsi et des Frères Musulmans fortement contesté par la rue qui exige sa chute dans des manifestations massives à la radicalité croissante

En décembre, la jeunesse, le petit peuple des villes et campagnes incendiait ou mettait à sac les locaux du Parti de la Liberté et de la Justice des Frères Musulmans, allant jusqu’à chasser des mosquées ses représentants les plus connus. Fin janvier, ce sont de nombreux commissariats ou sièges de gouvernorats et autres symboles publics de l’autorité qui sont brûlés malgré la répression féroce à laquelle se livre la police qui a fait à nouveau plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés dans les journées de janvier. Le régime qui avait tenté de s’octroyer les pleins pouvoirs fin novembre est aux abois. Le 4 décembre, Morsi fuit son palais présidentiel assiégé par 750 000 manifestants. Le 26 janvier au soir, devant l’ampleur et la radicalité des manifestations, il décrète l’état d’urgence, impose le couvre-feu de 21 H à 6 H, donnant toute autorité aux militaires dans trois villes du canal de Suez, Port Saïd, Ismaïlya et Suez où les manifestations ont pris un tour insurrectionnel. Aussitôt son couvre-feu est défié, bafoué par la population de ces villes, et de bien d’autres en solidarité, qui décide de faire de ce couvre-feu un synonyme de descendre en foule dans la rue. De simples conversations entre voisins au pied des immeubles jusqu’à des matchs de foot nocturnes et des manifestations massives, le peuple égyptien signifie clairement à Morsi : tu es peut-être encore au gouvernement mais tu n’as déjà plus d’autorité.

« Morsilini » sauvé par l’opposition en décembre le sera-t-il en janvier ?

Lors des manifestations de décembre, Morsi rebaptisé « Morsilini », souvent affublé d’une croix gammée sur les pancartes des manifestants, a été sauvé par l’opposition libérale, socialiste nassériste, démocrate révolutionnaire et de gauche. Celle-ci s’est unie à cette occasion dans un Front de Salut National ( FSN) de 18 partis sous la direction des libéraux non pas pour prolonger la volonté populaire de faire tomber le régime, mais au contraire pour détourner la colère de la rue dans les urnes du référendum constitutionnel proposé par Morsi comme ultime carte pour sauver son régime. Le but de ce dernier était de canaliser la révolution dans les urnes mais aussi de la diviser autour de la question religieuse, pour ou contre une constitution centrée sur la charia. Le FSN a joué le jeu, sachant pourtant qu’il ne pouvait gagner ce référendum, alors que les Frères Musulmans et ses alliés salafistes et jihadistes disposaient de tous les pouvoirs pour frauder à leur gré, ce dont ils ne se sont pas privés.

Ainsi, ce n’est pas tant le succès du « oui » – à 64% – à la constitution que la faible participation – 30% – donnant un prolongement au mouvement de la rue, qui a surtout marqué ce scrutin. Ce résultat a enlevé tout crédit à cette constitution usurpée. Mais il a surtout rendu visible le formidable fossé entre le peuple égyptien et tous les partis institutionnels. Non seulement près de 80% des électeurs n’ont pas voté en faveur du « oui », mais près de 70%, en refusant de participer à cette farce électorale elle-même, ont désavoué tout à la fois le pouvoir et l’opposition officielle. L’ensemble des partis a été mis en minorité par le peuple.

Cela s’est vu très clairement dans les manifestations de fin janvier 2013 où, plus aucun parti ni leaders d’opposition n’avait d’autorité sur le mouvement. Place Tahrir, les tribunes traditionnelles des partis ont disparu, seul un « crieur » public informe la foule, hauts-parleurs à fond, donne les nouvelles des différents manifs, des villes… harangue la foule  » A bas le Morshid », dirigeant des Frères Musulmans… Signe et symptôme du moment, seuls les groupes de supporters de foot Ultra et des factions de manifestants radicaux apparus fin janvier, auto-baptisés Black Blocs, parfois nommés « garde révolutionnaire » par la presse, gardent l’adhésion des manifestants et en expriment, au fond, le sentiment politique. Plus personne ne croit aux solutions de l’islam, de la démocratie représentative ou des voies pacifiques. Ce n’est pas une surprise. Toute l’année 2012, depuis les mouvements de fin janvier et début février 2012 jusqu’à ces tentatives insurrectionnelles de décembre puis à nouveau maintenant fin janvier et probablement encore plus en février, en passant par les élections présidentielles de mai-juin, a montré, d’une part, ce divorce entre le peuple égyptien qui continue la révolution et ses partis qui s’y opposent ou y rechignent et, d’autre part, cette recherche populaire des voies et des moyens d’une deuxième révolution.

Pour la suite de l’article : http://www.carre-rouge.org/spip.php?article506

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